Excellence, Monsieur le Président de la Fédération de Russie, Vladimir Vladimirovitch,
Excellence, Monsieur Azali Assoumani, Président de l’Union des Comores
Messieurs les chefs d’État et hauts représentants des pays d’Afrique!
Je suis heureux de vous saluer et vous remercie de cette invitation à intervenir pendant cette rencontre de haut niveau, consacrée au développement de la coopération entre la Russie et les États du continent africain. Le présent forum est effectivement un événement marquant dans la vie internationale, ayant une dimension politique, économique, spirituelle et culturelle importante.
Malgré l’éloignement géographique, nos pays sont liés par des relations anciennes et amicales. Le secret de cette amitié est assez simple : la Russie n’a jamais regardé le continent africain comme un espace dont elle pourrait profiter ou qu’elle pourrait coloniser. Elle ne s’est jamais adressée aux peuples africains avec condescendance, n’a pas employé avec eux le langage de la supériorité ou celui de la force. Durant les périodes historiques difficiles, nous nous sommes toujours efforcés de faire preuve de solidarité et d’assistance mutuelle. Au moment difficile et crucial de la lutte pour l’indépendance et l’autodétermination des pays d’Afrique, la Russie s’est efforcée de soutenir activement les peuples, œuvrant ensuite avec eux à l’établissement d’une vie paisible, au développement de projets et d’infrastructures. De façon remarquable, cette coopération se poursuit aujourd’hui.
Les bons sentiments qui nous unissent ont résisté à l’épreuve du temps. Ils sont, notamment, solidement basés sur la compréhension des fondements de la vie humaine et sur un attachement profond aux valeurs morales intangibles. La fidélité à la tradition, la conception de la famille comme union d’un homme et d’une femme, l’amour et le respect de l’histoire de son pays, l’aspiration au bien et à la justice, tous ces principes de civilisation essentiels ont une importance déterminante aussi bien pour les Russes que pour les habitants de l’Afrique, qui chérissent tout autant leur identité spirituelle et culturelle. Pour nous, ces principes sont si importants que nous sommes prêts à les protéger et à les défendre.
Et il arrive parfois de devoir les défendre dans des conditions très difficiles. Ces dernières décennies, le monde a changé au point d’être méconnaissable. Je ne parle pas tant de la carte politique, des processus économiques et du progrès technique, que du climat spirituel et moral dangereux que de nombreux pays occidentaux s’efforcent activement de mettre en place. Le relativisme moral ; le culte de la consommation ; la liberté, confondue par erreur avec la permissivité ; la destruction de la famille traditionnelle en tant qu’institution, tout cela n’est qu’une brève liste des malheurs qu’apporte avec lui le système de valeurs imposé par l’Occident, ou, plus exactement, le système d’anti-valeurs, car leur adoption mène inévitablement l’humanité à sa perte et à une profonde dégradation culturelle et spirituelle.
Grâce à Dieu, ce danger est aussi compris ailleurs qu’en Russie, où des lois sont prises au plus haut niveau afin de préserver la société de la propagande d’une culture qui nous est étrangère et de phénomènes moralement malsains, il est aussi compris dans les pays d’Afrique. Je sais que malgré une pression colossale, la majorité des pays africains rejettent catégoriquement la légalisation de ce qu’on appelle les mariages homosexuels, de l’euthanasie et d’autres pratiques peccamineuses. Tout ceci nous rapproche indéniablement. Nous partons des mêmes principes de base, et, par conséquent, nous sommes toujours heureux de rencontrer des gens qui ont la même opinion que nous.
Il est remarquable que le rôle de l’Afrique se renforce dans les relations internationales. Les initiatives de paix des pays africains en sont un exemple éclatant, de même que leur participation active à la résolution des problèmes continentaux et globaux. Je suis certain que la Russie et l’Afrique peuvent proposer au monde un modèle constructif de relations loyales et justes entre nations.
Malheureusement, sur la scène internationale, tout le monde n’est pas prêt à mener un dialogue d’égal à égal. Un certain nombre de pays occidentaux sont toujours marqués par leur passé colonial, et ils continuent à penser et à agir suivant ce modèle.
J’espère que le développement des bonnes relations entre la Russie et les pays d’Afrique servira le maintien ultérieur des valeurs traditionnelles dans le monde.
Un autre instrument criminel de la politique contemporaine est l’incitation à la haine interreligieuse. J’ai le regret de constater que ce phénomène est particulièrement répandu sur le continent africain. Malheureusement, les chrétiens sont le plus fréquemment soumis aux persécutions. En tant que primat de l’Église orthodoxe russe, le cœur lourd, je profite de l’occasion pour appeler ardemment tous ceux qui disposent de la possibilité et du pouvoir réel d’influer sur cette tragique situation, de faire leur possible pour défendre les chrétiens opprimés d’Afrique.
La triste expérience des dernières décennies et l’histoire de nombreux conflits régionaux montrent que les provocations sur le terrain religieux sont souvent initiées et financées par ceux qui souhaitent l’affaiblissement du pays de l’intérieur et agissent suivant le fameux principe « diviser pour régner ». Il est extrêmement important de ne pas permettre l’éclatement de conflits religieux. A plus forte raison dans le contexte multiconfessionnel et multiethnique de la plupart des pays d’Afrique.
La diversité culturelle et nationale constitue la richesse de tout pays, et elle doit être soigneusement préservée. La Russie est prête à partager sa précieuse expérience multiséculaire dans ce domaine. Plus de cents nationalités vivent dans notre pays, les représentants de différentes religions et confessions y coexistent harmonieusement : chrétiens orthodoxes, catholiques et protestants, musulmans, juifs, bouddhistes. Nous ne vivons pas seulement côte à côte depuis des siècles, nous professons librement notre foi et coopérons dans les domaines éducatif et social, s’agissant d’aide humanitaire, de soutien à la paix, etc.
Quant à l’Église orthodoxe russe, consciente de sa responsabilité particulière dans la destinée des peuples qui la composent historiquement, elle aspire à faire son possible pour éduquer les hommes dans la fidélité à la vérité divine, le respect des traditions et l’amour du pays.
L’Église orthodoxe russe a récemment fondé l’Exarchat patriarcal d’Afrique et travaille sur le continent africain à la pastorale des expatriés russes, ainsi qu’à celle des chrétiens orthodoxes locaux. La nécessité de développer notre présence en Afrique est apparue après le schisme survenu dans le monde orthodoxe.
En même temps, la présence de l’Église orthodoxe russe sur le territoire de l’Afrique n’est pas une innovation sans précédent. Des paroisses russes ont commencé à être fondées sur le continent dès la fin du XIXe siècle et le début du XXe.
Ainsi, des églises ont été bâties en Abyssinie en 1889 et en 1896. L’Église orthodoxe russe dispose en permanence d’une paroisse en Égypte depuis 1914. Après la révolution, et avec l’afflux de réfugiés russes, de nombreuses paroisses ont ouvert sur le continent africain : une église a été consacrée à Tunis en 1920, en 1922 une paroisse a été fondée à Alger ; en 1927, des paroisses orthodoxes russes ont ouvert au Maroc. En 1998, j’ai moi-même consacré la première église russe d’Afrique du Sud.
En tant que président du Département des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, puis en tant que patriarche, j’ai visité 18 pays du continent africain entre 1971 et 2016 : au Nord, au Sud, à l’Est, à l’Ouest, et dans le centre. Je considère comme particulièrement marquante ma rencontre avec M. Nelson Mandela, chez lui à Soweto, début novembre 1990. Cette même année, le 11 février, il avait été libéré de prison, et je crois avoir été le premier étranger qu’il ait reçu. M. Mandela m’a demandé de transmettre aux autorités de l’Union soviétique sa gratitude pour son aide décisive dans le soutien et la livraison du nécessaire pour la lutte contre le régime d’apartheid. Comme on sait, il est devenu président de l’Afrique du Sud en 1994. A présent, permettez-moi de revenir à l’actualité.
A mon grand regret, en 2019, le patriarche Théodore, primat de l’Église grecque d’Alexandrie, a décidé sous la force de pressions extérieures de reconnaître une organisation schismatique en Ukraine, contrevenant par-là gravement aux canons ecclésiastiques. Ces tristes circonstances, je le répète, ont incité l’Église orthodoxe russe à fonder en décembre 2021 l’Exarchat patriarcal d’Afrique, dont la mission est de prendre soin aussi bien des expatriés russes sur le continent que des chrétiens d’Afrique désireux de découvrir l’antique tradition orthodoxe préservée par l’Église russe.
En un an et demi, l’Exarchat patriarcal d’Afrique a ouvert plus de 200 (deux cents) paroisses dans 25 (vingt-cinq) pays africains. En dehors du développement de la vie liturgique, il a été possible de commencer à mettre en place un certain nombre de projets humanitaires et éducatifs, notamment la traduction de livres dans les langues locales. La fondation et le travail de l’Exarchat ont suscité un vif intérêt pour l’Église orthodoxe russe chez les Africains.
Beaucoup apprécient que notre Église se fasse la gardienne vigilante de la tradition apostolique aussi bien en matière de doctrine et de sacrements que sur le plan de l’expérience spirituelle ; que nous soyons une Église qui n’altère pas les normes de la morale que Dieu nous a donnée pour satisfaire aux tendances de la mode idéologique.
En développant notre activité pastorale, nous aspirons à apporter notre contribution au renforcement des relations entre la Russie et l’Afrique, à l’amélioration de la qualité de vie des populations. Là où sont fondées nos paroisses, sont aussi fondées des écoles, forés des puits, construits des stations électriques, des hôpitaux et des centres culturels.
Nous avons l’intention d’interagir également de façon constructive avec les autres organisations religieuses d’Afrique.
Nos paroisses sont enregistrées en pleine conformité avec la législation des pays où elles sont fondées. Je tiens à remercier particulièrement les chefs d’État de ces pays. Le Patriarcat de Moscou est ouvert à toute initiative pouvant servir le bien des populations, l’établissement de la paix et l’aide aux personnes en détresse.
M’adressant affectueusement aux habitants du continent africain, j’invoque sur vous la bénédiction divine. Que le Seigneur envoie aux peuples de vos pays la paix et la prospérité, et qu’Il accorde aux dirigeants la sagesse, la patience et la force !
J’espère que le présent forum servira au développement ultérieur de la coopération entre nos peuples dans tous les domaines.
Je vous remercie de votre attention et vous souhaite un travail fructueux.